Préambule au projet pédagogique 2023 de la prévention spécialisée
Pour mener leur mission de prévention des marginalisations sociales et de protection de la jeunesse, les équipes prendront appui en 2023 sur différentes modalités et inflexions.
Plus que jamais la présence dans les lieux de vie s’imposera comme modalité centrale. Dans nos territoires d’intervention, la présence de ces professionnels de l’éducatif, porteurs d’un cadre institutionnel mais disponibles de manière informelle, sont un fort vecteur de réassurance pour l’ensemble de la population. Le fait que les équipes traversent aux côtés des habitants les moments conviviaux comme les moments moins heureux est un fort vecteur de légitimité, à la fois aux yeux des résidents et des partenaires, qui reconnaissent cette capacité à rester alors même que la tendance générale est plutôt inverse : fragilité du tissu associatif
local et moindre présence des institutions. Pour autant depuis les confinements et sur fond de visibilité des réseaux de trafic, les populations sont moins visibles dans les espaces publics. De ce fait, les horaires et espaces de présence sociale seront adaptés au plus près des contextes locaux, ciblés plutôt en fin d’après-midi autour des équipements sportifs quand il y en a, sur les trajets collège/quartiers, etc. Les équipes s’appuieront sur l’organisation ou le soutien de moments collectifs de type animations de pied d’immeuble pour se faire connaître et repérer des situations d’autant plus qu’elles observent des problématiques émergentes qui ne
laissent pas de les inquiéter, notamment des consommations addictives nouvelles (protoxyde d’azote…) et une augmentation des phénomènes prostitutionnels de jeunes filles.
Les équipes éducatives seront aux côtés des Urban sport truck qui continueront à se développer, et monteront des projets avec l’éducation populaire. Ce volet bénéficie d’un fort appui des habitants dont la capacité de résilience est partout soulignée : même dans des secteurs très paupérisés, aux prises avec des problématiques de logement insalubre et de squats, et/ou très impactés par la présence des réseaux de trafic, les habitants sont en forte demande d’événements conviviaux. Il y va donc d’un enjeu de développement social local qui favorise et soutienne des initiatives citoyennes, d’autant que même dans des quartiers ayant bénéficié de
programmes ANRU, l’enclavement et le manque de desserte de transports en commun continuent souvent de peser. Enfin, en 2023 tous les services de prévention spécialisée intègrent des équipes de médiateurs (sociaux et médiateurs lycée), qui sont également un appui pour entrer en lien avec un large public générationnel, monter des projets conviviaux et diffuser des messages éducatifs.
Nous mettrons de plus en plus souvent l’accent dans ces projets collectifs sur une sensibilisation aux enjeux environnementaux pour produire des changements de comportements et réduire les écarts entre la jeunesse des quartiers en difficultés et une autre jeunesse, plus privilégiée, qui se les approprie de manière plus spontanée. Il y a bien là un enjeu d’inclusion sociale et culturelle que nous ne saurions négliger dans la conjoncture actuelle.
En matière d’accompagnement éducatif individualisé, les mots clefs de 2023 seront la prévention et le partenariat. L’aspect préventif de notre mission s’illustrera à travers un travail toujours plus soutenu en matière de scolarité de manière à enrayer le plus en amont possible les phénomènes de décrochage et d’isolement. Les équipes éducatives poursuivront leur investissement auprès des collégiens sur l’ensemble des points de travail et s’impliqueront dans les dispositifs dédiés, notamment les Cités éducatives et les micro-collèges et lycées expérimentés par l’Education nationale dans le cadre du Plan Marseille en grand. Pour renforcer cette stratégie préventive, nous établirons de plus en plus de liens avec les écoles primaires pour travailler les passerelles CM2/6e qui peuvent fragiliser les élèves, notamment lorsque les familles ont des difficultés à soutenir leurs enfants dans le monde plus autonome du collège : journées d’intégration à la base du Frioul mises en œuvre notamment par les services marseillais, Cafés des parents et tout projet permettant d’être connus par les parents d’élèves et les enfants, seront développés de manière à ce que les
sollicitations soient plus fluides par la suite dès que le besoin s’en fait sentir.
L’accompagnement des adolescents est souvent complexifié par les cumuls de problématiques (la crise sanitaire ayant encore accentué les fragilités, voire les ruptures, familiales, scolaires, professionnelles, psychologiques…). C’est pourquoi le travail en partenariat sera une priorité absolue ; les liens étroits seront partout maintenus avec les MDS et la PJJ pour repérer et réparer, en lien systématique avec les familles qu’il s’agit aussi d’étayer, orienter, réassurer dans leur légitimité parentale. Le partenariat s’entend à la fois sur le plan institutionnel et au niveau des micro-territoires où il se double d’habitudes de travail resserrées au bénéfice d’un public en grande difficulté. L’ensemble des partenaires reconnaît la capacité de la prévention spécialisée à rester sur des terrains difficiles et à produire des expertises continues des contextes et de leurs évolutions. Nous travaillons avec les partenaires historiques de l’action sociale mais aussi dans le cadre des GPS et avec les équipes de l’UPU dans un vrai respect des missions respectives et une vision harmonieuse de ce que doit être l’intérêt général des habitants.
Nous nous appuyons pour ce faire sur les dispositifs récents et en cours. La Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et les Bataillons de la prévention ont notamment permis, à Marseille, d’étoffer certaines équipes éducatives, de développer le réseau jeunes, d’ouvrir des implantations nouvelles et d’expérimenter la présence de psychologues de rue intégrées aux équipes et permettant de travailler davantage les questions de santé au sens large auprès des publics (individuel et collectif, soins généraux
et psychiques). En outre, ces programmes nous ont permis de limiter les difficultés de recrutement auxquelles nous sommes comme d’autres régulièrement confrontés, car ils ont fourni l’opportunité d’embaucher des salariés en apprentissage. Toutefois ces financements n’étant pas pérennes, nous pourrions perdre une majorité de ces postes à brève échéance, ce qui pénaliserait d’autant les populations qui en bénéficient. Nous attendons en parallèle le nouveau schéma départemental, actuellement à l’étude, et qui préconise un développement des actions de prévention.
Car si nos équipes sont vaillantes, capables de monter des projets et d’imaginer des réponses aux multiples difficultés vécues par leur public, elles pâtissent toutefois du niveau de ces difficultés et des complexités grandissantes, sociales et territoriales auxquelles elles sont confrontées.