Par M. Poulain , sociologue et anthropologue
On parle d’épidémie d’obésité…
- Sans dramatiser à ce point c’est vrai que l’obésité augmente : de 16 à 17 % d’enfants en surpoids.
- Sur le plan épidémiologique on a du mal à fixer des indicateurs : l’IMC s’est imposé et transformé en norme sociale (mais pas très fin comme mesure).
Les populations en difficultés sont-elles davantage victimes d’obésité ?
- 2 fois plus d’obésité sévère en bas qu’en haut de l’échelle sociale (où on trouve des hommes…).
- Comme si les personnes en voie de précarisation « stockaient » de manière archaïque en prévision de temps difficiles ; quand le marché du travail se dégrade, mauvaises contions de travail et longs trajets favorisent le recours à une nourriture vite préparée en général mal équilibrée.
- Chez les femmes, le désir de « coller » à un modèle esthétique engendre des troubles et le « yoyo ».
- Chez les migrants attirance pour des produits pas chers et caloriques (nouveaux de surcroît).
Le manque d’argent joue-t-il un rôle ?
- Bien sûr : acheter des légumes est difficile et on n’en voit pas forcément l’utilité quand le corps est vu comme un instrument à qui il faut donner de l’énergie pour pouvoir travailler : pâtes, etc.
- Les classes moyennes / aisées se projettent plus dans l’avenir : les valeurs de santé ont plus de sens.
L’exclusion va-t-elle de pair avec une désocialisation de l’alimentation ?
- En partie : on commence par refuser les invitations que l’on ne pourra pas rendre et ce repli sur soi désocialise les repas, ce qui dérégule l’alimentation (on finit plus facilement les chips…).
En imposant une norme, fait-on courir aux gens un risque de stigmatisation ?
- L’État veut s’occuper de la santé des gens mais au final l’individu est considéré comme responsable.
- L’obésité est une question complexe qui « renvoie à de multiples responsabilités ».
- On peut agir mais en gardant le bon équilibre entre transmission d’informations, risque de moralisation et réalisme de la démarche.
Sociologie de l’obésité – PUF 2009 –320 p - 28 €
On peut compléter utilement avec Une épicerie sociale : rempart contre l’exclusion