Nous intervenons sur des territoires
Le travail de rue est un travail local et c’est pourquoi nous réfléchissons d’abord à partir du local.
Nous rencontrons un public très divers chez lequel nous repérons des conduites addictives et des conduites à risques ; il peut connaître l’errance, des formes de repli, sur soi et/ou communautaires, et des difficultés psychiques, voire psychiatriques.
Nous pouvons témoigner de l’augmentation permanente de ces problématiques, qui nous pousse évidemment à nous demander pourquoi tant de ces jeunes y sont confrontés.
Réfléchir à partir de la glocalisation pour parler du local
Je fabrique ce mot à partir de globalisation, qui concerne les échanges économiques dans un monde libéral, et de localisation, qui concerne les personnes sur leur territoire.
Je préfère ce néologisme à mondialisation dont certains aspects sont positifs, comme l’ouverture sur le monde.
Aujourd’hui il n’y a plus de frontières dans les échanges de biens et de valeurs.
Mais dans ce monde glocalisé on parle surtout de la question économique ; elle y est bien différenciée de la question humaine, laquelle est peu traitée.
Les qualités qui sont mises en exergue dessinent ce que devrait être l’homme parfait dans ce monde-là : il devrait faire preuve, comme une valeur boursière, de mobilité et de plasticité.
Mais à la différence de ces valeurs virtuelles, les hommes sont très localisés, ils vivent quelque part.
Alors si les élites sont en accord avec la glocalisation et peuvent se déplacer comme elles veulent, le reste de la population cherche aussi à se déplacer, pour survivre, mais elle est refoulée et une grande partie se retrouve en situation d’errance.
Il y a beaucoup de dispositions législatives, et même de murs, pour empêcher ces déplacements de populations.
C’est là un des paradoxes de la glocalisation : on définit la mobilité comme étant valorisante mais on interdit de se déplacer.
Si dans les années 60 Michel Foucault analysait que l’enjeu était de contrôler les personnes et de neutraliser leur action, aujourd’hui c’est autour de la mobilité que se situe l’enjeu.
Empêcher les gens d’entrer sur un territoire et d’y faire valoir leur droits, voilà la donne actuelle.
C’est ainsi que la globalisation économique vient percuter la localisation des personnes.
Cette dynamique voudrait annuler les territoires, et elle s’impose à des populations, non seulement localisées, mais mêmes souvent bloquées sur des lieux.
Une outil : la communication
Faire des diagnostics de territoires et les transmettre aux élus pour leur faire comprendre la nature nouvelle des difficultés repérées.
Car nous sommes confrontés à toutes sortes d’évolutions : là où l’ordonnance de 1945 postulait par exemple qu’aucun enfant ne doit pouvoir échapper à l’éducation, aujourd’hui les lois récentes contredisent ce postulat.
Il semble que l’on neutralise davantage que ce que l’on éduque.
Compte tenu de ce contexte, le travail de communication est essentiel : faire connaître les parcours des jeunes dont nous nous occupons, c’est pouvoir trouver les moyens nécessaires à leur inscription dans la société.
Il faut définir de nouveaux moyens éducatifs là où la sociabilité est menacée.
Toutes les évolutions constatées doivent être prises en compte parce qu’elles perturbent toutes les équilibres locaux sur lesquels nous intervenons.