Anthropologue et sociologue, il vient de coordonner Les nouvelles frontières de la société française
Vous dites qu’en 25 ans on est passé de la problématique de l’immigration à celle de la racialisation. Que signifie cette évolution ?
- Beaucoup d’immigrés venaient des anciennes colonies : il y a eu des réactions de racisme, et à leurs enfants français et nés en France on demande toujours de s’intégrer…
- Il est intéressant de constater que ces personnes ne restent pas passives : procès, assocs….
Que signifie ce concept de « racialisation » ?
- Utilisé il y a 50 ans ( psychiatre martiniquais Frantz Fanon) puis repris dans les sciences sociales (UK & USA) : c’est définir les autres ou soi-même en terme de « race » : compter les joueurs noirs dans une équipe de foot ou se sentir visé par un racisme anti-blanc (souvent naturaliser la différence).
En quoi aide-t-il à comprendre notre société ?
- Il permet de mettre un mot sur une réalité que l’on ne voulait pas voir.
- S’il existe un mouvement regroupant des personnes noires il y a racialisation, ce qui ne suppose pas forcément du racisme.
- Permet de dévoiler les non-dits : dans les débats sur l’identité court la revendication non énoncée d’une identité blanche
- C’est aussi la représentation que la société se fait d’elle-même : on voit les émeutes de 2005 comme raciales alors qu’on pourrait les voir sociales.
- La réalité des discriminations raciales n’est reconnue que depuis la fin des années 1990.
Pourquoi vous refusez-vous à parler « d’ethnicité » pour parler des populations selon leurs origines ?
- On dit souvent « ethnique » pour ne pas dire « racial » : par ex. si on compte les personnes noires c’est un paramètre uniquement racial.
- « L’ethnicité n’existe jamais en soi. (…) Réalité construite souvent par rapport à une origine supposée »
Vous dites que ce concept pourrait aboutir à minorer les aspects socio-économiques du débat sur l’intégration des populations issues de l’immigration…
- On a longtemps pensé les inégalités en terme de classes sociales et négligé les dimensions racistes.
- Aujourd’hui on pourrait aboutir à l’inverse et oublier les disparités socio-économiques.
- Les familles issues de l’immigration appartiennent souvent aux milieux défavorisés mais ces 2 dimensions s’additionnent sans se superposer : il y a des Français blancs dans les quartiers difficiles et des Français noirs aisés qui se heurtent au « plafond de verre » (discrimination).
Ed. la Découverte – 600p. 28 €
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