Il y avait l’Etat providence et puis ont été engagées des transformations des politiques publiques : la « marchandisation » ne suffit pas à expliquer seule l’ampleur du changement du secteur social.
Réflexions de chercheurs de pays francophones réunis par le Dpt socio Fac Rouen, et l’AISLF.
L’Etat social s’appuyait sur des interventions institutionnalisées qui sont en déclin ; d’autres formes en cours. (Mme Bresson, AISLF)
- Pour M. Vrancken (Liège), cela commence dans les années 80 où on passe de la « protection » visant à réintégrer les plus démunis à un accompagnement des « individus dans un travail sur eux-mêmes en cherchant à les impliquer davantage (…) responsabilisation croissante des usagers et des intervenants »
- M. Quintane (prof. droit public) : « il s’agit de faire disparaître le fait institutionnel en transformant l’administration en organisation » ; on parlait en terme de redistributivité et d’intérêt général et on a parlé de performance ; malaise des fonctionnaires.
Alors, société libérale dérégulant et désinstitutionalisant l’intervention publique ?
- M. Aballéa (socio Fac Rouen) : « les institutions n’en continuent pas moins d’exercer leur pouvoir de contrôle social » : normativité sociale, domaines nouveaux, médicalisation des pbs… les injonctions, chartes… renforcent la règle.
- M. Soulet (socio Suisse) : l’institution verticale a vécu et les modalités changé mais au service des mêmes buts « encadrer et construire l’action en commun » ; elle attend de ses membres, non plus la loyauté, mais autonomie et responsabilité.
- Positif en apparence et redoutable : ne tient pas compte des « inégalités profondes à participer de façon socialement efficace ».
M. Payet (socio suisse) : l’expression des usagers est-ce permettre l’expression ou « convertir les causes sociales en défaillances individuelles » ?
- Face à la difficulté de justifier de l’efficacité de leur action, « inverser le sens de la relation action-évaluation en redéfinissant l’action à partir de ce qui est évaluable », avec « rupture de la chaîne causale qui prévalait entre besoins de l’usager, action de l’institution et effets »
- Usager aliéné et « tenu comptable des ressources que lui apporte l’institution, quand bien même [elles] ne sont pas convertibles en opportunités réelles » ;
- et professionnel « obligé de recouvrir le faire le bien par le faire bien de l’institution »
Pour l’instant cependant les pratiques ne sont pas émiettées : des légitimités vacillent, des découpages pèsent (décentralisation).
- MM. Le Goff et Jamet (socio) constatent que les éducateurs PJJ adoptent parfois des « stratégies de la résistance » quand la « procéduralité » mord sur l’accompagnement l’éducatif.
- On observe des processus de professionnalisation qui « ne sont pas sans rapport avec les processus anciens », et des registres d’action très différents cohabitent dans les services (M. Aballéa)
Comment la société impose-t-elle désormais sa norme sociale, c’est là qu’est le changement : plus démocratique mais plutôt plus impérieuse (injonction à l’autonomie et à la socialisation).
Sur le terrain, souvent chaotique :
- Uriopss Haute-Normandie : on incite à une réduction du nb d’institutions et on développe une logique de concurrence, « comment travailler sereinement au profit de l’usager ? »
- CR Haute-Normandie : injonctions paradoxales ; Dpts chefs de file de l’action sociale mais « étranglés financièrement (…) on est en train de mettre au ban de la société toute une partie de la population jugée trop peu productive »
On peut se reporter à un article de M. Guillebaud , (travailleur social en CADA)
- Le travail social à l’épreuve de l’ entreprise sociale (p. 28/29)
- « Le développement associatif doit désormais répondre aux critères du marché (…) le devenir de l’entreprise sociale dépend des conditions de participation des travailleurs sociaux à la (re)définition de l’institution. »