Jean-Hugues Lagrange - Le déni des cultures
Ce sociologue (CNRS) s’appuie sur plusieurs années d’étude dans des quartiers sensibles de grande banlieue parisienne (Mantes la Jolie…).
Il a rassemblé des données scolaires et familiales individuelles sur plus de 4 000 ados de 99 à 2006 et les a croisées ensuite avec les fichiers judiciaires.
- Fait état d’un « surcroît d’inconduites des jeunes Noirs » en termes de résultats scolaires, absentéisme ou « mises en cause » par la police.
Il écarte une explication liée aux contrôles au faciès
- parce que les écarts son identiques à l’école, peu suspecte de racisme et y compris dans les copies anonymes du brevet.
« La tradition de recherche sociologique en France, influencée par l’idiome politique d’un pays qui rejette tout distinction d’origine culturelle, a conduit à contourner cette lecture ».
Le contexte de vie dans les quartiers d’habitat social et les « pratiques éducatives des familles (...) pèsent sur l’acquisition des bases de la langue, de la numération et des premiers éléments de géométrie ».
- Il ne parle pas de l’immigration en général mais cherche à comprendre les différences selon les origines en termes de socialisation, modèles … : les jeunes originaires des pays du Sahel auraient plus de difficultés que ceux du golfe de Guinée…
Les migrants qualifiés sont partis peu à peu et les Africains se trouvent dans des quartiers ghettoïsés : ils sont pauvres, sans bagage scolaire et un modèle de « domination masculine » très forte.
- « Le caractère le plus prédictif de la réussite scolaire reste le niveau culturel de la mère et son insertion professionnelle ».
La ségrégation urbaine est un facteur majeur
- manque « d’émulation sociale et de modèle éducatif » ;
- favorise une forme de régression « traditionaliste » qui entre en collision avec les modèles républiques
- et provoque un rejet de la société française en retour.
Il faut reconnaître les minorités : « tenir compte du nouveau visage de la société française »
« Je suis complètement en désaccord avec la politique actuelle d’hostilité vis-à-vis des migrants (…)
- l’intégration est possible mais il faut utiliser les bons leviers et accepter les différences (…)
- je ne parle pas d’ethnie ou de races, je parle des origines culturelles (…)
- cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas une dimension sociale, elle est évidemment centrale ».
- « Les femmes sont un levier de transformation (…) on gaspille un capital éducatif considérable en s’abstenant de les soutenir »
Le Seuil – 350 p. – 20€
Encore beaucoup de frilosité en France à aborder les questions sous cet angle
« ll y a toujours eu la crainte d’apporter de l’eau au moulin du Front national »
A noter :
- le Parlement européen défend l’insertion sociale des femmes appartenant à des minorités ethniques
- (rapport -A7-0221/2010).