Entretien avec M. Choukri Ben Ayed, sociologue
A l’occasion de la sortie de l’ouvrage :
- École : les pièges de la concurrence. Comprendre le déclin de l’école française
- Coord. S. Broccolichi, C. Ben Ayed, D. Trancart
- Ed. La Découverte – 312 p . 23 € -
- Sommaire, présentation, table des matières, articles sur le site de l’éditeur
La question est ancienne mais la nouveauté c’est que ces inégalités « commencent à tirer vers le bas tout le système éducatif ».
Quels sont les symptômes de cette dégradation ?
- L’accroissement des écarts de niveau entre classes sociales, mais aussi entre établissements et départements ;
- les résultats chutent surtout dans les espaces urbains, ce qui est nouveau et se maintiennent dans les zones intermédiaires, où l’offre est moins différenciée (1 ou 2 collèges).
Comment la hiérarchisation entre établissements pénalise-t-elle l’ensemble du système ?
- La course aux meilleurs résultats engendre un « décentrement des enjeux » : l’optimisation des connaissances cède le pas aux classements qui finissent par tenir lieu de projet scolaire.
Quelle place tient la suppression de la carte scolaire dans ce paysage ?
- Elle a fait le lit de cette concurrence : même dans des villes de taille moyenne, on constate des flux d’élèves et des taux de demandes de changement importants, dont la raison n’est pas toujours claire .
- « Met le système scolaire dans une situation d’insécurité permanente » : on encourage une compétition dont on voit les effets négatifs.
Pouvait-on la maintenir en l’état ?
- « Cela n’aurait pas été pire » : dans les grandes ville l’aggravation de la ségrégation a été nette.
- Des collèges comme variables d’ajustement, d’autant que leurs dysfonctionnements seront peu dénoncés par des populations précarisées.
- La ghettoïsation « n’est pas le point de départ mais bien la conséquence [de leur] déclin »
- Les mécanismes de « choix » aggravent des problèmes qu’il faudrait traiter « frontalement ».
Pourquoi les ZEP n’ont-elles pas réussi ?
- Approche comptable (réduire le nb d’élèves par enseignant) mais sans « politique volontariste de soutien aux enseignants ».
- En matière pédagogique l’EN reste « en-deçà des connaissances disponibles » : les expériences intéressantes demeurent expérimentales et dépendent de la bonne volonté des personnes.
- « Les enseignants sont souvent critiqués pour leur supposée résistance au changement. Mais la réalité est que, bien souvent, ils finissent pas se lasser (…)
- Le système scolaire français est conçu pour des enseignements conventionnels ».
Des pistes de reconstruction ?
- Depuis 30 ans, empilement de dispositifs mais pas de politique scolaire au sens propre du terme
- et « les choix politiques actuels vont à l’opposé d’une reconstruction vertueuse »
(moins d’enseignants, suppression formation pédagogique)
- Prendre conscience que « nous sommes tous perdants » pourrait être le début d’un changement.