Un entretien avec Mme Bordet : « briser le cercle vicieux de la peur »

09 – 304 – ASH 08/05/09 – pp.32-33
:) :)   :(
Nous traitons ces deux pages un peu longuement puisqu’elles touchent votre cœur de métier, et le font bien. On peut toujours s’en inspirer.

Le 4 mai dépôt d’une proposition de loi visant à réprimer « la participation à une bande violence » et les « violences avec port de la cagoule »

Mme Bordet est psychosociologue

- On dit que les jeunes des banlieues sont de plus en plus violents ? partagez-vous ce constat ?

  • Il y a une grande diversité dans ces « banlieues » ;
  • Par endroits on observe des formes de violences inquiétantes et aussi des autodestructions, mais tous les territoires ne « plongent pas » : se demander pourquoi est la vraie question.
  • Souvent les territoires "violents" ne sont pas porteurs d’une appartenance symbolique ni d’une visibilité en terme d’avenir (emploi…).

- M. Sarkozy dénonce souvent ce qu’il appelle « la culture de l’excuse sociale à la délinquance » ; mais les racines ne sont-elles pas là ?

  • Il ne faut pas généraliser : il y a des agressivités pathologiques, mais tous ces jeunes ne sont pas a priori violents et il faut tenir compte de ce qu’ils vivent (à travers ce que vivent leurs parents).

- Le phénomène des bandes est-il une révolte contre une société qui neleur laisse pas de place ?

  • S’y exprime surtout « quelque chose de l’ordre de l’insupportable » : la révolte suppose d’analyser une situation, ce qu’ils ne font pas. Casser c’est exister (avec un plaisir lié à leur âge aussi).
  • Il faut parvenir à inverser cette énergie : ils ont besoin de supports positifs chez les adultes.
  • Les lois actuelles les enferment entre débrouille et justice, ce qui détermine la violence.

- N’y-a-t–il pas un risque qu’ils s’approprient cette image négative ?

  • « Cette question de l’intégration du stigmate est centrale » : par réaction, ils revendiquent image et transgression (comme beaucoup d’ados).
  • Mais quand on discute avec eux en petits groupes, ils reconnaissent que ce n’est pas formidable ; ils ont les mêmes aspirations que tout le monde.
  • Dans ces « quartiers » tous les jeunes ne sont pas là-dedans… mais quand ils obtiennent un diplôme, c’est plus difficile pour eux de trouver du travail… et ça c’est un gros pb : comment les convaincre qu’on leur offre autre chose ?

- Comment sortir de cette spirale sécuritaire ?

  • Il faudrait déjà admettre que l’on y est. Cette société vieillit, et s’inquiète… alors on continue.
  • Et les subventions aux assocs diminuent, on les octroie souvent pour des projets « assez normatifs », on infléchit orientations PJJ
  • Même si on n’a pas encore basculé : « ainsi la prévention spécialisée conserve encore une certaine autonomie »

- Que proposer pour accompagner ces jeunes ?

  • Il faut garder la confiance des jeunes et des familles ;
  • préserver le travail d’accompagnement sur la durée et ne pas réagir au cas par cas (là on est dans le sécuritaire) ;
  • « faire avec » en s’appuyant sur la communauté : écoles, habitants, services sociaux, police…. ;
  • avoir une présence reconnue des institutions, ce qui va à l’inverse des diminutions d’effectifs actuelles.
    « L’acquis de la République c’est la présence de la puissance publique au plus près des populations » il ne faut pas laisser la place vide : risque de dérive confessionnelle et économie parallèle notamment.

« Nous sommes tous interdépendants et on ne peut pas mettre de côté ces jeunes » Si l’on continue ce sera pire.

- On peut également voir :Il faut revenir à l’analyse des causes de la délinquance, par M. Mucchielli